RFU, dette et dépense par habitant

par Louis Grenier, Partenaire principal chez LGP

L’édition de La Presse du mercredi 15 octobre dernier présentait un dossier très intéressant sur le niveau d’endettement des municipalités et leurs dépenses par habitant. Depuis longtemps, je prêche pour un meilleur équilibre des revenus fonciers entre les revenus provenant des résidences et ceux provenant des commerces et industries.

Pour mémoire, la part de l’évaluation foncière uniformisée des résidences dans la richesse foncière uniformisée (RFU) ne cesse d’augmenter au Québec. Le tableau suivant montre cette évolution au cours des 15 dernières années.

La différence peut paraître minime, mais elle suit une tendance que j’observe depuis plusieurs décennies. Les résidences constituent une part de plus en plus importante de la RFU. Or, le revenu fiscal provenant des résidents génère une dépense plus grande que celui provenant des autres secteurs, notamment celui des commerces et industries. J’ai toujours travaillé avec une moyenne où chaque dollar résidentiel est grevé d’une dépense de 0,85$ en services, alors que le même dollar de revenu provenant des commerces et industries ne commande qu’une dépense liée de 0,37$. Je n’ai jamais fait le travail empirique de calculer le coût des services associés au domaine agricole ou autre, mais la logique voudrait que ce chiffre se situe entre le coût résidentiel et celui des commerces et industries.

J’ai donc eu la curiosité de jumeler les données de La Presse du niveau d’endettement et des dépenses par habitant avec le pourcentage de l’évaluation imposable uniformisée de l’ensemble des revenus non résidentiels.

Mon hypothèse voudrait que les municipalités les moins endettées soient celles où la part de l’évaluation non résidentielle est plus élevée que la moyenne. De même, celles qui peuvent se permettre de dépenser davantage devraient être celles qui dégagent une plus grande marge de manœuvre grâce à une RFU non résidentielle supérieure à la moyenne québécoise.

Est-ce le cas? La réponse est « noui! ». Jugez-en vous-mêmes. On ne peut pas dire qu’il y ait une corrélation mathématique évidente, mais les tableaux montrent que les municipalités les moins endettées de 2 000 habitants à 25 000 habitants ont toutes, à une exception près, un ratio de la RFU non résidentielle plus élevé que la moyenne provinciale :

L’exception étant Hampstead qui possède une densité importante, assortie d’une valeur par habitation très élevée. Le surplus net, même établi à 15% est alors suffisamment intéressant pour ne pas grever la dette. L’économie d’échelle y joue certainement.

On peut aussi constater une certaine corrélation dans les municipalités de 2 000 à 25 000 habitants qui dépensent le plus par citoyen. La logique voudrait que celles où la portion des revenus provenant du non résidentiel présente une part au-dessus de la moyenne provinciale dégagent de plus gros surplus de taxation et donc dépense davantage pour les services aux citoyens. Ce n’est pas toujours le cas!

La corrélation la plus forte est évidemment celle de Montréal-Est où une très petite population (4 456 h.) bénéficie d’une richesse foncière émanant à 75,44% des méga entreprises de son territoire. Pas étonnant que la dépense par habitant défie tous les records! La taxation résidentielle pourrait y être nulle que ça ne changerait pas énormément la richesse globale de la ville.

Ce n’est pas aussi direct pour les autres municipalités dépensières. Si 5 municipalités sur 10 présentent effectivement une moyenne de la RFU non résidentielle supérieure à la moyenne, 4 autres sont sous cette moyenne. D’autres considérations y jouent donc. Westmount, Mont-Royal et Hampstead sont des villes riches sans qu’il soit nécessaire d’y avoir de grandes concentrations commerciales ou industrielles…ça explique le niveau élevé des dépenses. Il faudrait cependant mieux étudier le cas de Potton…

Ce phénomène d’économie d’échelle explique aussi pourquoi, dans les municipalités de plus de 25 000 habitants, la corrélation n’est pas aussi évidente entre la dette et la dépense par habitant d’une part et une portion plus importante de la RFU non résidentielle d’autre part. L’économie d’échelle fait en sorte que le surplus de revenus, même à 15% sur une multitude de résidences, est à même de générer suffisamment de fonds pour une dépense par habitant plus élevée.

Plus étonnant est le fait que certaines des villes ayant une portion de la RFU non résidentielle largement supérieure à la moyenne figurent parmi les moins dépensières. C’est le cas de Drummondville, Saint-Hyacinthe ou Salaberry-de-Valleyfield

Cela dit, l’écart entre la ville de 25 000 habitants et + qui est la plus dépensière (LAVAL- 414$) et la moins dépensière (Mascouche -224$) n’est que de 190$. Pour les municipalités de 2 000 à 25 000 habitants, cet écart est beaucoup plus important : la plus dépensière (Montréal-Est – 5 730$) est à des années-lumière de la moins dépensière (Saint-Honoré – 183$)!

Bref, le fait d’avoir une RFU non résidentielle n’est pas le facteur unique qui influence la lourdeur de la dette ou la propension à dépenser plus par habitant, mais ça aide! Particulièrement dans les municipalités de 2 000 à 25 000 habitants, ce facteur semble jouer un rôle important, sinon primordial.

Je reste donc convaincu que les initiatives d’attraction de payeurs de taxes non résidentiels restent une stratégie payante. Mais, attention, je ne prêche pas pour une multiplication de parcs industriels dans chaque petite municipalité du Québec : une concentration industrielle à l’échelle des MRC avec répartition des taxes sur l’ensemble du territoire demeure à mon sens la stratégie à privilégier. Le modèle des redevances associées aux éoliennes est un exemple qui serait probablement applicable aux parcs industriels régionaux. Cependant, une stratégie de développement et de soutien commercial aux noyaux villageois doit accompagner ce regroupement industriel. Ainsi, le recours à des mini-magasins ou mini-centre de services assistés par l’IA dans les petits noyaux villageois constitue une bonne avenue, quand la population locale diminue.

On oublie souvent d’avoir un œil rivé sur la répartition de la RFU quand vient le temps de monter des stratégies de développement économique; c’est pourtant un outil de première importance qui détermine les ressources financières que les municipalités ont et auront comme marge de manœuvre pour offrir une meilleure qualité de vie à leurs citoyens. Une saine répartition de la RFU permet alors de meilleurs investissements. À considérer!

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